Aboubakry N’diaye – Publié le 01.05.2020, 23h50
Le Premier ministre a donné mardi dernier à l’Assemblée Nationale les grandes lignes de la levée progressive du confinement. « Nous proposons une réouverture très progressive des maternelles et écoles élémentaires à partir du 11 mai, partout sur le territoire et sur la base du volontariat » a déclaré Édouard Philippe.
Professeure d’histoire-géographie et conseillère municipale à mantes la Jolie jusqu’en mars 2020 Nathalie Coste et Patricia Lartot, Directrice de l’école Jules Verne au Val Fourré à Mantes-la-Jolie ont adressé ce vendredi 1er mai une lettre ouverte à Raphaël Cognet, le maire LR de Mantes-la-Jolie
Découvrez ci-dessous la lettre ouverte :
Monsieur le Maire,
C’est avec toute la gravité qu’imposent tout à la fois le contexte de crise sanitaire majeure que nous traversons et notre attachement profond à l’école républicaine que nous nous adressons à vous au travers de cette lettre ouverte.
Pendant 12 ans je n’ai eu de cesse en tant que conseillère municipale de défendre la qualité de notre école publique à Mantes et depuis 30 ans je donne toute mon énergie à accompagner des générations de jeunes lycéens de la ville dans leur formation intellectuelle et la construction de leur projet d’avenir.
Enseignante, puis directrice d’école depuis 38 ans à Mantes la Jolie, mon engagement a été total. Ma responsabilité « d’enseignante citoyenne » a été fondée sur l’intérêt général et les valeurs républicaines. Je n’ai eu de cesse, pendant toutes ces années, d’aider au mieux les élèves et leurs familles dans leurs parcours et parfois même dans leur vie, en essayant toujours d’obtenir leur confiance, principale composante de la réussite scolaire .
Nous avons toujours été là pour faire de l’école un levier pour lutter contre les inégalités et un moteur d’épanouissement et d’émancipation des enfants, singulièrement ceux des quartiers populaires. Mais cette mission fondamentale ne saurait être le slogan d’un pouvoir soudainement ému par les inégalités sociales qu’il a largement contribué à aggraver.
Aujourd’hui comme premier magistrat vous allez devoir prendre la décision d’ouvrir ou non les écoles, conformément aux demandes du gouvernement.
Mais aujourd’hui comme premier magistrat vous allez aussi devoir prendre en conscience la décision d’exposer des enfants, des enseignants, des personnels municipaux à la circulation encore active du virus dans un département classé rouge.
Vous allez devoir prendre la décision d’ouvrir ou non les écoles alors même que le conseil scientifique, l’INSERM, des infectiologues de renom considèrent que cela contrevient à la sécurité sanitaire de tous.
Vous allez devoir décider de donner ou non votre accord à une ouverture des écoles selon un protocole sanitaire dont les directeurs d’école et les enseignants indiquent déjà qu’il sera impossible à mettre en œuvre.
Vous allez devoir décider de rouvrir des écoles aux enfants des familles volontaires probablement contraintes par la nécessité économique afin qu’ils soient accueillis pour une dizaine de jours au mieux, dans ce qui ne ressemblera plus vraiment à une école, plus du tout à une classe.
Vous allez devoir prendre une décision où la mesure du risque est considérable au regard du bénéfice trouvé par les enfants contraints à une distanciation sociale si peu naturelle pour eux, à des gestes si peu compatibles avec une vie normale d’écolier, à des rythmes pédagogiques et des contenus bien atrophiés, pour être en adéquation avec les fameux gestes barrière, alors que la pédagogie c’est précisément d’être en capacité de mettre nos élèves en recherche, susciter leurs initiatives et créer des échanges et des contacts féconds.
Plus de relation affective, peu d’interaction sociale, beaucoup d’interdits et d’injonctions : voilà ce que seront ces quelques jours d’école pour les enfants.
Pour les personnels municipaux et les enseignants, quel que soit le plaisir éprouvé de retrouver ces enfants, la situation sera terriblement anxiogène, frustrante et risquée.
Alors Monsieur le Maire, nous vous le demandons avec beaucoup de gravité, convaincues que nous sommes de votre réelle volonté de faire pour le mieux et parce que nous avons vu lors de ce dernier mandat votre sincère implication sur la question scolaire et que nous savons le profond intérêt que vous portez aux enfants : n’ouvrez pas les écoles le 11 mai.
Laissez le temps au temps, le recul de l’été et vous pourrez compter vous le savez sur l’énergie et la motivation des équipes enseignantes et de vos services de l’action scolaire pour penser et construire les conditions d’une reprise sans précipitation et bien anticipée, dans l’intérêt de tous. .
En vous assurant, Monsieur le Maire de notre profond respect républicain.
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